Marchés : Les marchés actions dans le monde développé croient avec force non seulement au retour de la croissance mais que celle-ci sera forte. Ceci viendrait valider des valorisations élevées.
En revanche, le marché obligataire, en partie sous l’influence de politiques monétaire historiquement accommodantes, restent assez sages même si nous avons vu une progression des taux logs assez forte, notamment depuis le début d’année.
La « sagesse » des taux longs est évidemment un soutien supplémentaire pour que les actifs risqués progressent et poussent les valorisations vers des nouveaux sommets.
Il sera fascinant de voir comment les taux longs résisteront à l’embellie promise de la croissance à venir et aux pression inflationnistes que celle-ci va générer.
Pour l’instant, la narration dominante sur le marché, alimentée notamment par le Fed, est que la forte croissance des trimestres à venir sera elle aussi sage. Il serait sûrement erroné de crier au feu. Mais, il semble tout aussi faux de penser que peu de tensions sortiront de cette phase d’expansion forte résultant de la sortie de la crise sanitaire et d’une stimulation de politique économique inédite. D’autant plus, que si bien les Etats-Unis seront le moteur de la croissance mondiale, dans quelques mois, l’accélération Européenne devrait transformer cette expansion en une croissance synchronisée, dont les signes sont d’ailleurs déjà là avec le reprise du commerce mondial.
Il faut certes rester prudents, mais les Etats-Unis sont en train de sortir de la crise sanitaire de manière rapide, avec une campagne de vaccination qui a de nouveau accéléré. La bourse américaine a validé ce scénario depuis un certain temps, mais avec l’accélération très forte de l’activité qui devrait se manifester dans les deux trimestres à venir, et peut être davantage, on constate que l’appétit pour le risque reste prononcé. En revanche, les taux souverains, même s’ils ont monté rapidement depuis le début d’année, restent à des niveaux encore faibles. Le taux à 10 ans aux Etats-Unis reste bien en dessous du niveau qui prévalait avant la crise sanitaire.
Une des raisons essentielles est l’ancrage puissant qu’exerce la politique monétaire sur les taux longs. Non seulement, la Fed ne cesse d’indiquer que les taux directeurs ne monteront pas pendant longtemps, mais que les achats massifs de Treasuries (80 milliards par mois) se poursuivent et ne sont pas près de s’arrêter.
Evidemment, le marché obligataire tente de « s’émanciper » de cette tutelle de la banque centrale. Ainsi, la courbe des taux (différence entre le 10-ans et le taux directeur) s’est nettement pentifiée, mais cela reste effectivement assez sage.
Vu le mouvement séculaire à la baisse des taux longs, et l’expérience des dix dernières années avec une politique monétaire très accommodante sans l’émergence de fortes pressions inflationnistes, on peut comprendre « l’inertie » qui se manifeste sur les taux longs.
Toutefois, la réalité qui devrait se présenter devant nous sera assez inédite. Nous sortirons d’une crise sanitaire qui va sûrement enclencher un appétit d’accéder à une multitude de services dont les populations ont été privées, et ceci sous fond d’un soutien budgétaire historique (donc besoin de financement public considérable) et des augmentations de richesse (prix immobilier en très nette hausse et évidemment des bourses avec des performances au beau fixe) très importants. Sur ce dernier point, avec donc une nouvelle augmentation des inégalités. Mais la manne financière est bien là.
On est tenté dans ce contexte de se dire que les freins à la hausse des taux d’intérêt risquent au moins de sauter temporairement. Evidemment, les séquelles de la crise sont toujours présentes, avec encore du sous-emploi, mais la force potentielle de la demande peut s’avérer extrêmement forte, surprenant le marché ainsi que les économistes qui tablent sur une épargne qui resterait dormante en attendant des jours meilleurs. Avec, notamment, l’incertitude sur la croissance des années à venir. Ceci est plausible, mais comme scénario central, cela semble peu probable. Ainsi, devant cette surprise, les taux longs pourraient bien corriger encore à la hausse.
Par ailleurs, même si l’Europe continentale souffre encore d’une mobilité réduite, et que l’on craint encore un prolongement insupportable de cette crise sanitaire, le plus probable et que nous sortirons de cette crise, même si en retard par rapport aux Etats-Unis. Ainsi, la croissance Européenne devrait fortement accélérer dans les mois à venir donnant des allures d’une croissance mondiale synchronisée. D’ores et déjà, on peut constater comment le commerce mondial se réveille.
En effet, après la crise cardiaque de l’activité mondiale au printemps dernier, le commerce mondial est bien réparti à la hausse. La Chine a été une première force d’impulsion en retrouvant une croissance forte au cours de la deuxième moitié de 2020, mais les Etats-Unis comme l’Europe se sont aussi réveillés. Même si la croissance chinoise est susceptible de décélérer au cours de 2021 avec la volonté des pouvoirs public de réduire la stimulation qu’elles avaient fourni à l’économie, l’économie américaine devrait prendre le relais comme une source importante de soutien à l’expansion du commerce mondial, amplifiant l’effet multiplicateur de la reprise. La force exportatrice de la Chine et de Zone euro devrait s’en voir stimulée fortement, comme c’est déjà le cas.
Encore une fois, une grande partie du dynamisme que devrait retrouver le commerce mondial viendra en un premier temps de Etats-Unis. Ainsi, une partie de ressources très importantes de dépense dont vont disposer notamment les ménages américains « s’enfuiront » vers les importations.
Viendra le moment où on se posera la question des déséquilibres que cette croissance très rapide pourra provoquer. En particulier, on peut s’attendre à un gonflement du déficit extérieur américain très prononcé, même si le retour des exportations pétrolières avec éventuellement des prix plus élevés pourraient atténuer cette dégradation. A partir de quand cette détérioration pèsera sur le dollar, notamment, ce sera une des questions que le marché aura à se poser. Mais, dans la dynamique qui devrait vraisemblablement s’imposer au cours des trimestres à venir sera une forte dégradation des équilibres extérieurs américains.
Au total, J. Powell et ses collègues à la Fed ont peut-être raison que nous allons vivre une période transitoire un peu exceptionnelle, mais qu’au final tout rentrera dans l’ordre assez rapidement. En ces sens, le marché obligataire peut rester patient et n’a pas besoin de penser à un scénario alternatif. Devant l’exceptionnel on peut tout de même être au moins sceptique sur la capacité du marché à rester durablement aussi flegmatique que les autorités monétaires.
Source : La Banque Postale Asset Management par Sebastian Paris Horvitz