La BCE réunit son Conseil de politique monétaire demain. Aucune décision « engageante » n’est attendue. On sera attentif aux éléments d’ambiance, qui pourraient refléter l’évolution des compromis passés. On pense d’abord au PEPP. Le plus probable est cependant que le sentiment d’une logique d’entre-deux, imposée par les visions différentes qui prévalent au sein du Conseil, continue de s’imposer.
Quel contraste dans la conjoncture politique allemande des dernières heures ! Pour ce qui est de la désignation du candidat à la chancellerie, en cas de victoire à l’élection législative de septembre, confusion et logique d’appareil côté démocrate-chrétien versus clarté et sérénité chez les Verts. Dans tous les cas et vu d’Europe, cet évènementiel n’est pas mauvais !
Demain, comme une fois toutes les six semaines, le Conseil des gouverneurs de la BCE se réunit en format « politique monétaire ». On ne doit pas attendre très vraisemblablement de changement de cap dans l’orientation de cette dernière. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille se désintéresser de ce qui se dira ; à défaut de ce qui se décidera. Simplement, car il y a un certain nombre de sujets sur lesquels la BCE devra se positionner ou pendre une décision. Faisons donc un état des lieux.
Commençons par rappeler les conclusions du précédant Conseil, celui du 11 mars : un « large consensus » en faveur d’une augmentation significative des achats d’actifs dans le cadre du PEPP. Il faut comprendre qu’il n’y pas eu unanimité ; tout comme il n’a pas été facile de se mettre d’accord sur la façon de se positionner par rapport à la hausse des taux longs. S’agit-il d’une anticipation réaliste d’une amélioration économique « au coin de la rue » ou plutôt de l’importation malvenue d’un mouvement made in USA ? On ne sait pas bien. Il en va de même des conditions de l’« augmentation significative » des achats de titres : ampleur du mouvement, qui pour le moment ne doit pas s’étendre au-delà de la fin du trimestre en cours, et donc ce qui pourrait être fait après ? Ce qu’on sait, parce qu’on l’a observé, c’est que les achats hebdomadaires se positionnent sur un rythme de quelque 20 milliards d’euros par semaine. C’est mieux que celui de 14 milliards, enregistré auparavant ; mais est-ce significatif ? Comment ne pas ressentir une impression d’inachevé ! Avec la conviction que la « balle est dans le camp de la BCE » ; à elle d’apporter des éclaircissements.
Passons aux évènements significatifs, intervenus depuis le 11 mars.
- Du côté de la politique de santé, plus de contraintes de mises à la mobilité des personnes, mais aussi une accélération de la vaccination. Tant et si bien que l’espoir d’un retour à une vie presque normale se développe.
- Du côté de l’économie, d’abord et pour paraphraser la Présidente Lagarde, des risques baissiers à court terme et haussiers à plus moyen terme. Ce qui signifie moins de croissance que prévue d’abord et un rebond tonique ensuite. Pour ce qui est de l’inflation, le profil serait inversé : accélération puis ralentissement.
- Du côté des marchés, l’attention est évidemment sur le profil des taux longs. Le rendement d’un titre d’État à 10 ans a augmenté de moins de 10 centimes en Allemagne ou en France, d’à peine plus en Espagne et d’une quinzaine de centimes en Italie. La tendance haussière est moins forte qu’en début d’année.
- Du côté des prêts bancaire, les conditions de crédit se durcissent, moins que prévues et la demande est plutôt à la baisse, même si une amélioration est attendue. Au final, en mêlant mouvements de marché et intermédiation bancaire, les conditions financières ne se détériorent pas trop. Elles restent fondamentalement favorables.
Du côté de l’environnement institutionnel et politique, l’attention se porte sur la Cour constitutionnelle allemande, qui bloque pour le moment la ratification, par le pouvoir exécutif du pays, du plan de relance européen. Cela aura-t-il des implications en termes de policy mix au niveau de la Zone Euro ?
Au final, on l’a dit, il ne faut pas s’attendre à un contenu informatif un tant soit peu épais. Les décisions concernant le PEPP sont attendues pour le Conseil de juin et la présentation des conclusions de la revue stratégique pour plus tard cette année. En fait, on a le sentiment que cette logique d’entre-deux, imposée par les visions différentes qui prévalent au sein du Conseil, va continuer de s’imposer. Le nouveau regard porté sur l’inflation (plus de symétrie autour de la cible des 2% l’an et une lecture plus en moyenne sur une certaine période qu’instantanée) garantit un réglage accommodant pour encore un temps certain ; mais le PEPP pourrait ne pas être renouvelé, même si la décision serait peut-être alors adoucie par un élargissement de l’APP (l’asset purchase programme, ou programme de Quantitative Easing « de base »).
Il y a quelque chose qu’on ne retrouvera pas dans les attendues des décisions de la BCE : la conjoncture politique allemande. Beaucoup de choses viennent de se passer. La Démocratie chrétienne vient de désigner son candidat à la Chancellerie, en cas de victoire à l’élection législative de septembre prochain. Le processus a été chaotique et le choix du candidat (Laschet de la CDU et pas Söder de la CSU, le parti-frère bavarois) correspond plus à une logique d’appareil (pas de remise en cause des équilibres de pouvoirs au sein de la CDU) qu’à la recherche d’une maximisation des chances de victoire. Le déroulé a été beaucoup plus fluide chez les Verts, avec au final une préférence se portant sur Annalena Baerbock, l’un des deux co-Présidents du parti. Les conséquences de ce contraste sont déjà visibles dans les sondages sur les intentions de vote. L’alliance CDU-CSU, certes toujours en tête, était à la peine depuis un certain temps. Et bien hier au soir, une nouvelle enquête d’opinion indiquait que les Verts passaient devant. À confirmer bien sûr ; mais la sanction apparaît déjà.
Vu d’Europe, l’évènementiel allemand n’est pas mauvais. D’abord, le candidat choisi par la Démocratie chrétienne est plus europhile que son adversaire. Ensuite, avec les Verts comme membre important d’une coalition gouvernementale au sortir des prochaines élections générales, ne peut-on pas se mettre à rêver d’une Allemagne « intégrationniste » davantage par conviction que sous la contrainte des faits (comprendre des crises) ?
Source : La Banque Postale Asset Management