La hausse des taux longs américains, qui résulte de la remontée des taux réels et des anticipations d’inflation, reflète une accélération de la croissance et des goulets d’étranglement qui perturbent la production.
L’alternance de tensions et de détentes des taux réels américains, les anticipations d’inflation et les attentes sur le niveau futur des taux directeurs restent les principaux déterminants des performances des actifs à l’échelle mondiale.
Ainsi, les rendements de la dette émergente en monnaie locale ont largement répliqué les mouvements des taux américains, tout comme la performance relative des actions Value par rapport aux valeurs de croissance.
Les emprunts d’État de la zone euro ont toutefois regagné une partie du terrain perdu en février grâce à une Banque centrale européenne qui a fait preuve de davantage de détermination.
CHANGEMENT DE LA DYNAMIQUE QUI SOUS-TEND LA HAUSSE DES TAUX D’INTÉRÊT
La remontée des taux d’intérêt américains s’est poursuivie en mars, mais à un rythme plus lent et selon une composition différente. Les rendements des bons du Trésor américain à dix ans ont encore augmenté de 34 points de base (pb) dans le sillage du mouvement similaire enregistré en février, et les prévisions du marché concernant le niveau futur des taux des Fed funds ont également été révisées à la hausse.
En mars, le changement le plus significatif dans la dynamique de marché aura été le changement des contributions entre rendements réels et anticipations d’inflation. En février, l’augmentation des rendements nominaux sur les échéances à 5 et 10 ans a été essentiellement due à la hausse des rendements réels alors qu’en mars, ce sont les anticipations d’inflation qui ont le plus augmenté. Le graphique ci-dessous présente la variation mensuelle, depuis le début de l’année 2021, dans la composition des rendements nominaux des bons du Trésor américain et les anticipations du taux des Fed funds.
CHANGEMENT DANS LA DYNAMIQUE DÉFLATIONNISTE ?
Les mouvements de marché ne sont pas tous nécessairement ceux que la Fed souhaiterait. D’un côté, la Fed a fait savoir qu’elle ne se souciait pas de la remontée des taux longs, car celle-ci reflète des perspectives de croissance et d’inflation plus élevées. Les anticipations d’inflation à 5 ans dans 5 ans ont atteint 2,40 %. Bien qu’il s’agisse du niveau le plus élevé depuis 2018, cela reste inférieur aux niveaux qui prévalaient avant la crise financière mondiale et qui avoisinaient les 3 %. C’était d’ailleurs la dernière fois que la Fed allait atteindre pour la dernière fois son objectif d’inflation de 2 % mesurée par le déflateur des dépenses privées hors alimentaire et énergie (core PCE).
Le marché anticipe une inflation beaucoup plus forte dans l’année à venir à mesure que l’économie sort du confinement et que les dernières mesures de relance budgétaire stimulent la croissance, et ce alors que les chaînes d’approvisionnement restent perturbées. Par conséquent, malgré le dépassement de l’objectif d’inflation à court terme, le marché ne semble pas prévoir de changement dans la dynamique désinflationniste de long terme préexistante.
LE MARCHÉ N’ÉCOUTE PAS ASSEZ LA FED
Malgré le flegme de la Fed à l’égard de la remontée des taux longs, certains s’inquiètent du niveau attendu des Fed funds dans deux ans et au-delà. Les dernières projections de la Fed (« dot plot ») ont montré que seulement 7 des 18 membres du Comité de politique monétaire (FOMC) envisageaient une hausse des taux directeurs d’ici 2023. Par ailleurs, la Fed a souligné qu’un relèvement de ce taux n’interviendrait qu’après la fin des achats réalisés au titre de son programme d’assouplissement quantitatif (QE), ce qui est peu probable avant 2023.
Néanmoins, le marché a revu à la hausse ses prévisions concernant le taux des Fed funds et anticipe désormais une augmentation d’au moins 50 pb dans les deux ans à venir. Ce resserrement monétaire pourrait également expliquer pourquoi les prévisions à d’inflation à moyen terme n’ont pas progressé davantage : bien que la Fed ait répété qu’elle tolèrerait une inflation supérieure à l’objectif, le marché doute qu’elle se montre aussi conciliante et l’augmentation des taux directeurs qui en résultera ralentirait la croissance et limitera l’inflation.
PRUDENCE SUR LES TAUX
En parallèle, l’inflation totale reflétée par l’indice des prix à la consommation (IPC) pourrait connaître une forte hausse cet été et atteindre près de 3,5 %. Les observateurs attentifs ont bien conscience de cette possibilité dans la mesure où une grande partie de la hausse tient aux effets de base, mais ces chiffres pourraient effrayer les investisseurs et entraîner une correction marquée des emprunts d’État. De même, si la Fed parvient à convaincre le marché qu’elle attendra avant de réduire son QE ou de relever les taux directeurs, ceci ferait baisser les anticipations de taux directeurs et donc les rendements réels, mais la chute des rendements nominaux pourrait être plus que compensée par la hausse des anticipations d’inflation. Nous restons donc prudents quant aux perspectives de taux et privilégions les actifs qui bénéficieront de la thématique de la reflation.
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Source : BNP Paribas AM