- Pandémie : Peut-être que nous devrions déjà le savoir, mais on continue d’être surpris par la dynamique violente des vagues de contagions du virus. Ainsi, on constate que la montée des dernières semaines est en train de s’emballer. L’Europe est durement touchée, mais on cette recrudescence des contagions est aussi visible dans des nombreux pays dans le monde. Le résultat est le resserrement des contraintes de mobilité. En fait, la stratégie poursuivie en Europe, consistant à durcir de manière assez légère les contraintes de circulation des personnes ne donne pas les résultats escomptés. Le risque est donc de devoir prendre de mesures plus drastiques. Si cela venait à être le cas, on devrait collectivement revoir notre optimisme sur coût très modéré en termes de croissance au 2T21. En même temps, la réflexion continue sur la mise en place de stratégies pour stimuler la circulation des personnes en Europe, en réponse aux campagnes de vaccinations, dans les mois qui viennent. Ainsi, le Commissaire Européen, Thierry Breton, a donné plus de détails sur la mise en place d’un certificat sanitaire qui serait disponible dès le 15 juin. Celui-ci ne serait pas obligatoire mais donnerait des garanties pour pouvoirs se déplacer plus librement au sein de l’Union Européenne. Mais cette réalité de plus grande mobilité semble encore lointaine.
- Marchés : Les marché pourront trouver plus de direction cette semaine qui va apporter sa rafale de statistiques, comme en chaque début de mois, sur l’état de la conjoncture économique. Outre les données d’activité manufacturière avec le PMIs, l’attention sera portée sur l’emploi aux Etats-Unis. Le plus probable est que nous constations de nouveau des fortes créations d’emplois, notamment dans le secteur de la restauration, faisant écho à l’ouverture de l’économie américaine. Les taux longs joueront le rôle de baromètre sur le temps qu’il pourrait faire sur les marchés sur la période à venir. La poursuite de la hausse aux Etats-Unis paraît assez inexorable. Même si les anticipations d’inflation peuvent encore rester autour des niveaux actuels pour quelque temps. En ce sens, le blocage du canal de Suez, même si très temporaire, pourrait être un autre facteur pouvant générer des tensions sur les prix. A plus long terme, la semaine écoulée a vu deux développements participant à la hausse d’un prix crucial pour l’avenir, celui du carbone. Au Canada la Cour suprême a validé la taxe carbone proposée par le Premier Ministre Canadien. Cette taxe s’inscrit dans la stratégie d’atteindre zéro émissions de carbone à 2050. Par ailleurs, en Europe la tendance à la hausse du prix des droits d’émissions s’est poursuivi avec force.
La dernière semaine aura été révélatrice de la force avec laquelle cette troisième vague de l’épidémie est en train de frapper, notamment en Europe. En effet, on a vu la tendance à la hausse des contagions s’accélérer très nettement. Ainsi, la stratégie d’opter pour des règles le moins contraignantes possible de mobilité afin de ne pas trop heurter les populations et maintenir l’activité économique semblent ne pas vraiment avoir porté leurs fruits. En Allemagne, la chancelière a menacé les gouvernements régionaux de prendre le contrôle de la pandémie au niveau fédéral tant. De son point de vue, les restrictions de mobilité n’étaient pas appliquées de manière efficace. Il est probable que des restrictions plus sévères ne viennent à être mise en place afin d’éviter une accélération plus radicale des contagions, portées essentiellement par la circulation très forte des variants.
Outre les mesures de confinement qui pourraient être prises afin d’éviter une accélération des contagions et mettre à mal des systèmes hospitaliers déjà sous forte tension, c’est bien par l’accélération des vaccinations que les autorités européennes veulent avancer. Mais, à très court terme, la course de vitesse semble pour l’instant perdue. Ainsi, si des restrictions plus sévères venaient à être mises en place, le coût économique pourrait s’avérer plus important que prévu en ce début de 2T21.
Sur les marchés nous verrons si les statistiques conjoncturelles prêtent main forte au pari de reflation. Les regards seront tournés sur les indicateurs d’activité manufacturière qui devraient confirmer le rebond dans le secteur et surtout toujours des tensions sur les prix. Mais ce seront les chiffres de l’emploi aux Etats-Unis qui devrait le plus affecter le marché. Sans surprise, vu l’amélioration de la situation sanitaire et l’ouverture de l’économie, on devrait avoir une hausse très forte des créations d’emplois, notamment dans les secteurs de la restauration et de l’hébergement. La baisse continue des demandes d’allocation chômage ces dernières semaines pointe bien vers un chiffre important. Le consensus des économistes table sur plus de 600 000 créations d’emplois et un taux de chômage qui poursuivrait sa décrue. Un chiffre bien supérieur pour le nombre de nouveaux postes de travail créés pourrait venir accentuer la montée des taux longs.
Une hausse supplémentaire des taux longs pourrait continuer de se faire par une hausse de la prime de terme. En effet, la vitesse et la force de la reprise américaine, en dépit des propos rassurants de dirigeants de la Fed, pourrait pousser les investisseurs à introduire plus d’incertitude sur l’évolution des taux longs.
En ce qui concerne l’évolution de l’inflation à moyen terme, nous restons toujours sur deux camps qui s’opposent. Ceux qui pensent que la tendance séculaire d’une inflation basse devrait persister. Cette dynamique est notamment défendue pour l’Europe où le déficit de croissance généré par la crise ne serait comblé qu’avec lenteur, notamment faute de politiques de relance plus agressives. En revanche aux Etats-Unis, la stratégie de l’économie en surchauffe poursuivie par la Fed afin de mieux ancrer les anticipations d’inflation, en laissant l’inflation évoluer pendant un temps au-dessus du taux cible, de manière à compenser la faible inflation liée à la crise, pourrait engendrer une inflation durablement plus élevée.
Sur les forces qui pourraient contribuer à une inflation plus élevée dans le futur nous avons l’argument associé au nécessaire coût de la sortie du carbone. Ceci ne se traduire pas simplement par des changements des prix relatifs, mais bien par une inflation plus élevée.
En ce sens, la décision de la Cour suprême du Canada de valider la taxe carbone proposée par le Premier Ministre, Justin Trudeau, aura évidemment un impact sur les prix à long terme. Cette taxe devrait porter le prix du carbone à 170 dollars canadiens (113 euros) par tonne d’ici 2030. C’est le « prix » à payer pour réussir à atteindre la cible de neutralité carbone à l’horizon 2030.
Un prix du carbone plus élevé dévient de plus en plus une réalité. En Europe, sur le marché des permis d’émissions, qui reste le plus important du monde, on a vu le prix continuer sa course haussière. Il est probable qu’avec plus de restrictions sur les industries génératrices de CO2 avec donc moins de permis distribués, la hausse du prix devrait se poursuivre. Il est encore difficile de le déterminer l’impact que ceci aura sur la dynamique de l’inflation à plus long-terme, mais c’est évidemment un des facteurs qui pourrait participer à une inflation plus élevée dans l’avenir.
Source : La Banque Postale Asset Management par Sebastian Paris Horvitz, Directeur de la Recherche à LBP AM