- Pandémie : Comment combattre la recrudescence de infections sans détériorer davantage le moral de populations à bout et préserver l’activité économique? Telle est la quadrature du cercle que les dirigeants européens semblent vouloir résoudre. En France, après des multiples tergiversations, 16 départements ont vu la mobilité des habitants être restreinte, mais les contraintes imposées au début ont été assez vite allégées en supprimant notamment les justificatifs de déplacement. En Allemagne, alors que le gouvernement avait annoncé des restrictions strictes pour les fêtes de Pâques, celles-ci ont été supprimés avec un exercice inédit de contrition de la Chancelière, justifiant cette décision par la difficulté de la mise en place des mesures proposées. Au total, il est peu clair comment les contraintes imposées actuellement vont pouvoir infléchir la tendance haussière des contagions et la pression qu’elles excercent sur les services hospitaliers. En même temps, afin d’accélérer sa campagne de vaccination comme principale arme contre la maladie, l’UE devrait restreindre les exportations de vaccins tout en essayant de trouver un accord avec le Royaume-Uni pour que ce pays puisse continuer à être approvisionné. En tout état de cause, il probable que les restrictions imposées continuent de contraindre la croissance au 2T21. Ceci n’est pas pour l’instant visible si on s’en tient aux dernières données d’activité pour le début du mois de mars, au travers des enquêtes PMIs. Celles-ci ont montré qu’avant cette nouvelle montée des contagions, l’activité Européenne était en train de se redresser. Cette tendance risque d’être mise à mal au moins dans le mois à venir. En revanche, aux Etats-Unis, l’activité semble avoir poursuivi sa tendance haussière, se reprenant dans certains secteurs après l’impact négatif des conditions climatiques adverses sur le mois précédent.
- Marchés : Ces derniers jours, nous avons pu voir la nervosité qui a gagné les marchés. En effet, en particulier en Europe, il est plus difficile de dessiner le chemin entre aujourd’hui et un futur pas si lointain d’une population qui commencerait à être largement immunisée grâce à une vaccination généralisée. Le rebond qu’on attendait en ce début de printemps serait plus lent à venir, ce qui a pour conséquence de mettre à un peu à mal le pari de la reflation. Toutefois, malgré la prudence qu’on doit continuer à avoir sur l’évolution de la pandémie, les ingrédients pour une accélération de la croissance au 2S21 restent toujours là. En particulier, les effets du plan de soutien massif américain devraient se faire sentir avec force dans les mois qui viennent et stimuler l’activité fortement. Pour l’instant, les prévisions sont très prudentes sur l’impact que celui-ci aurait sur la croissance. En ce sens, tout dépendra en grande partie de l’attitude des ménages américains et donc de la vitesse de l’amélioration du marché de l’emploi.
Les autorités européennes tentent de de freiner la nouvelle poussée de la pandémie mais avec des contraintes de moins en moins contraignantes. En effet, comparées aux précédents épisodes de hausse forte des contagions, nous sommes loin des contraintes de mobilité qu’avaient été imposées. En ce sens, si l’histoire récentes est un guide, il est difficile de voir le maintien de restrictions actuelles ou l’imposition de nouvelles bien peu contraignantes sur la mobilité inverser la tendance actuelle. Le seul allié des autorités pourrait être le climat avec plus de personnes à l’extérieur et donc moins de contagions associées à la promiscuité inévitable dans des lieux fermés. Les semaines qui viennent nous diront si la stratégie suivie est la bonne ou si on devra imposer des restrictions plus importantes. Certes, une accélération des vaccinations sera un atout considérable pour lutter contre la maladie, mais dans l’UE nous sommes très loin d’une quelconque immunité collective avec seulement autour 10% de la population ayant reçu au moins une dose d’un des vaccins à disposition.
Ce qui est certain c’est que pour l’instant, les effets des restrictions assez modérées et surtout la levée graduelle de certains récemment semblent bien avoir permis à l’activité de se redresser en Europe. C’est le message que nous donnent les enquêtes PMI préliminaires pour le mois de mars. Ainsi, la contraction de l’activité au 1T21 en Europe pourrait s’avérer moins forte que prévue.
La mauvaise nouvelle c’est que l’arrêt de la tendance à l’ouverture et surtout l’imposition de nouvelles restrictions, notamment pesant sur les activités de commerce de détail, vont contraindre le rebond attendu en ce début de printemps. Le rebond est donc repoussé. On devrait constater que même que si le secteur manufacturier devrait continuer de se redresser, les activités de service devraient ralentir.
La situation européenne contraste avec celle des Etats-Unis où la mobilité continue à se redresser et donc où l’activité économique continue à progresser. Ainsi, les indicateurs PMI préliminaires pour mars montrent que la croissance est bien au rendez-vous et sûrement devrait accélérer avec les effets du plan de soutien massif du gouvernement.
Pour les marchés, la détérioration de la situation sanitaire en Europe et dans plusieurs pays émergents semble avoir donné un coup de froid aux prévisions de rebond rapide de l’activité. Ainsi, sur la dernière semaine on voit que l’appétit pour le risque s’est très largement estompé, alors que les valeurs refuge, tels que les emprunts d’Etat progressaient avec donc des rendements en baisse.
L’incertitude crée par ce nouveau mauvais coup porté par la pandémie se traduit donc naturellement par une phase d’hésitation. Néanmoins, pour les quelques mois qui viennent, il faut continuer à s’appuyer sur deux dynamiques importantes. D’une part la progression des vaccinations et sur la persistance d’un soutient puissant de la politique économique pour alimenter la reprise. Evidemment, la force de ce soutien vient surtout des Etats-Unis. Les près de 10 points de PIB associés aux deux plan de soutien mis en place (en faisant l’hypothèse que la totalité des 1900 milliards de dollar du deuxième ne seront pas complétement dépensés en 2021) qui sont en train d’être injectés dans une économie qui en train de se redresser devraient conduire à une accélération très notable de l’activité. Pour l’instant, nous y compris, on reste très prudents sur l’impact de ses plans sur la croissance. En effet, dans les prévisions on intègre la persistance de taux d’épargne élevés et évidemment une fuite vers l’extérieur (sous forme d’importations) réduisant fortement l’effet multiplicateur des dépenses de l’Etat. C’est une hypothèse. La réalité pourrait s’avérer tout autre avec une croissance encore plus vive. Comme d’habitude c’est le consommateur qui détient la clé de la croissance.
Ainsi, nous pensons qu’avec le rebond de la croissance le pari de la reflation devrait continuer même si avec un peu moins d’en train compte tenu de ce qui a déjà été inscrit dans les prix. C’est pour cette raison, avec un peu plus d’incertitude, que la sélection des valeurs et la diversification restent aussi primordiales aujourd’hui.
Source : La Banque Postale Asset Management par Sebastian Paris Horvitz, Directeur de la Recherche à LBP AM