Des turbulences politiques intérieures se manifestent en Allemagne, pivot de l’économie européenne. Elle pourraient menacer la cohérence et l’efficacité de l’Eurozone et de l’Union Européenne.
En 2020, l’Allemagne a pu profiter du redémarrage très rapide de la Chine et de l’Asie pour limiter les dégâts économiques. Le pays a certes subi une récession de près de 5% mais bien moindre qu’en France (-8,2%), en Italie (-8,9%) ou en Espagne (-11%).
Même si le rebond s’annonce moindre qu’anticipé cette année – à peine 3% selon les dernières déclarations début avril de Jens Weidmann, le président de la Bundesbank – l’Allemagne reste le moteur de la croissance européenne et un élément essentiel de sa puissance économique grâce à la force de son industrie exportatrice. Notre indicateur Montpensier MMS de Momentum économique, à 56, reste d’ailleurs nettement en territoire d’expansion même s’il peine à accélérer.
Mais, à quelques mois des élections générales du 26 septembre prochain, la fin du long règne d’Angela Merkel est délicate et affaiblit la position européenne de nos voisins d’Outre-Rhin, ainsi que l’Union elle-même.
C’est la gestion difficile de la troisième vague de la pandémie qui a été le facteur déclencheur de cette soudaine agitation. Le successeur désigné d’Angela Merkel au sein de la CDU, Armin Laschet, est fragilisé par la situation délicate de son land de Rhénanie du Nord Westphalie. Cet européen convaincu, très proche d’Angela Merkel, est depuis plusieurs mois en forte baisse dans les enquêtes d’opinion. Armin Laschet est désormais officiellement défié par Markus Söder, le leader des « cousins » de la CSU bavaroise qui souhaite être désigné comme leader de la coalition.
En parallèle, les ratés perçus de la campagne de vaccination – la déception est telle que certains en Allemagne en viennent à admirer en la matière leurs voisins français ! – ont conduit les autorités à se tourner vers la Russie, au mépris de la solidarité proclamée des Européens en la matière. Après la volonté affirmée de la Bavière de commander des lots de Sputnik V, c’est désormais Jens Spahn, le ministre de la santé qui se charge directement des négociations, alors même que la Slovaquie vient de retourner les lots reçus car « non-conforme » à ceux présentés lors de études préalables.
Même sur le plan de relance européen, pourtant proposé en mai dernier par la chancelière conjointement avec le Président français, l’Allemagne est désormais en décalage avec les impératifs européens. Alors que les montants en jeu font pâle figure à côté de la relance massive des États-Unis, la pression monte pour que les décaissements s’opèrent au plus vite. Or la cour constitutionnelle de Karlsruhe bloque la validation par le Parlement allemand en attendant de se prononcer sur la validité de son financement. Et tout cela alors que les italiens ont déjà congédié un gouvernement pour incapacité à décider de l’allocation des sommes promises !
Plus généralement, c’est bien le positionnement international de l’Union qui est en jeu au travers des incertitudes politiques allemandes. Tandis que progresse l’idée d’une autonomie stratégique du Vieux Continent face à la Chine et aux États-Unis, l’arrivée au pouvoir de Joe Biden a renforcé la tentation allemande de revenir sous l’aile de la puissance d’Outre-Atlantique afin d’éviter de prendre position et de se concentrer sur ses intérêts commerciaux. Plus perturbant encore, la volonté d’imposer à L’Union un rapprochement diplomatique avec la Turquie a conduit à une tension inédite et largement évitable avec la Grande Porte à l’occasion du désormais célèbre « Sofagate ».
L’Europe ne peut être forte et prospère sans une Allemagne décidée à jouer à plein son rôle de centre de gravité et de stabilisateur du continent. Et les marchés n’apprécient pas l’incer-titude, surtout lorsqu’elle provient d’un pays réputé pour sa solidité et son engagement européen. Le sommet de l’UE des 24 et 25 juin prochain devra être l’occasion d’une clarification.
Source : Montpensier Finance